Si l’on en croit Hetzel, Jules Verne avait pour but de représenter la planète entière à travers ses romans. Bien entendu, c’était faux !
Déjà parce que les buts attribués à Jules Verne étaient en réalité ceux de l’éditeur. Et puis, le monde entier n’apparaît pas, en réalité, dans les Voyages. L’Espagne et le Portugal sont absents dans le cycle, alors que l’Ecosse y est si souvent présente. La péninsule indochinoise n’est pas abordée par les personnages de la saga voyageuse, contrairement à l’Australie. Le Proche orient est tout aussi oublié alors qu’il est impossible d’oublier l’Inde. Enfin, pas de Mexique, alors que le Canada est probablement la nation la plus représentée.
Surtout, la France est quasi absente.
Certes, il y a beaucoup de Français présents dans l’oeuvre.
À commencer par Aronnax, le narrateur de Vingt Mille Lieues, mais aussi les héros du Superbe Orénoque, ou de L’Invasion de la mer.
Mais si on excepte l’est de la France, dans Le Chemin de France, qui se situe sous la Révolution française, ou la Normandie, point de départ de l’équipage de Jean-Marie Cabidoulin dans Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin, le territoire national n’apparaît quasiment pas dans l’oeuvre. Pire, volontairement, Verne fait disparaître la France de romans dans laquelle elle devait jouer un rôle important. En 1868, le Nautilus du capitaine Nemo est censé aborder, cinquante ans avant Arsène Lupin, l’aiguille d’Etretat. Il existe dans le manuscrit de Vingt Mille Lieues sous les mers toute une page barrée. À travers les ratures, on distingue effectivement ce passage disparu.
La raison est simple. On ne peut pas parler n’importe comment de la France, sous le Second Empire, et cela ne s’arrange pas sous la IIIe République. Si bien que, lassé de devoir constamment se censurer, Verne a fini par retirer la France de ses Voyages.
À contrario, il ne manque jamais de faire apparaître ou réapparaître des Anglais parmi ses personnages.
Et si les héros de Cinq Semaines en ballon sont plutôt valorisés, en revanche les Anglais qui apparaîtront par la suite seront plutôt caricaturés, moqués, voire sévèrement critiqués. Ce qui n’a jamais empêché les Anglais de lire et d’apprécier Jules Verne.